CHISPA
Discours dominants, contre-discours et pratiques alternatives dans les mondes hispaniques et hispano-américains
CHISPA (Cultures hispaniques et hispano-américaines) est une composante d’AMERIBER (UR 3656), qui regroupe des enseignantes-chercheuses et des étudiant-e-s français-e-s et étranger-e-s, spécialistes d’Espagne et d’Amérique latine, de civilisation, de cinéma, de littérature et d’art. À l’heure actuelle CHISPA compte 4 membres permanentes (Amélie Florenchie, Mélanie Moreau, Lise Segas, Isabelle Touton), 4 membres associées (Nayrouz Chapin, Laurence Mullaly, Ana Milena Pabón, Laura Pache) et 4 doctorant.es (Alejandra Díaz, Julie Olivier, Ada Lescay-González, Adrien Almeida). CHISPA se définit par la singularité de ses approches méthodologiques (en particulier les études culturelles et les études féministes) et de son objet de recherche : les discours dominants, contre-discours et pratiques alternatives dans les mondes hispaniques et hispano-américains.
Le centre CHISPA est né du désir de se rassembler pour envisager, depuis des pratiques théoriques, artistiques, intellectuelles ouvertes et mouvantes, des questions et des problématiques nouvelles, ou qui renouvellent les savoirs et les perspectives sur des objets d’études anciens à partir d’un fil conducteur : l’ordre symbolique dominant. Si le discours est un instrument de lutte et un enjeu de pouvoir, l’étude des relations de domination permet d’aborder et de valoriser les tensions créées par les voix divergentes qui tentent de remettre en cause la hiérarchie des savoirs depuis des productions culturelles socio-historiquement situées. Puisant au sein des études culturelles, féministes, de genre et décoloniales et plus largement nous inspirant de pratiques alternatives et transdisciplinaires qui questionnent et enrichissent les héritages disciplinaires en privilégiant une approche diachronique, nous étudions les relations dynamiques entre discours hégémoniques, contre-discours et pratiques alternatives en Amérique Latine et en Espagne.
Les discours dominants s’exercent dans certaines langues plus que dans d’autres, suivant de complexes logiques et hiérarchies locales et globales, depuis certains lieux stratégiques (souvent en lien avec un certain pouvoir économique), et selon certaines normes : en tant qu’« hispanistes », nous sommes conscientes que notre approche ne peut être neutre car elle est déjà conditionnée par notre langue de travail (l’espagnol ou castillan), celles des discours, documents et œuvres que nous étudions, ainsi que par notre position au sein de l’Université française. Ces discours s’exercent depuis une certaine énonciation (une position d’autorité), selon une certaine rhétorique (usage de la propagande et de la censure, rôle du storytelling) et ont toujours bénéficié de puissants outils de diffusion dans l’espace public, aujourd’hui développés au détriment de la planète (pollution liée à l’explosion d’internet et de la gestion des data). Ils s’appuient aussi sur des dominations matérielles et symboliques qu’ils contribuent à forger ou à renforcer, telles que la classe, la race et le genre.
Dans les sociétés où les dominé-e-s, les subalternes risquent leur vie s’ils ou elles parlent librement (serfs, esclaves, intouchables, opposants politiques, femmes), les contre-discours, ceux qui disent et dénoncent les rapports de domination, imaginent l’inversion des rapports de pouvoir, la perpétration d’actes de vengeance ou l’établissement d’une société plus juste, sont souvent émis clandestinement, anonymement ou exprimés de façon codifiée, masquée ou ritualisée. Dans les sociétés plus démocratiques, les discours contestataires, quand ils ne sont pas intégrés ou absorbés par les canaux dominants (institutions, grands groupes médiatiques), sont souvent émis depuis des canaux alternatifs et cherchent parfois à échapper à la logique de marché ; ils s’articulent souvent à partir d’un décloisonnement des savoirs, des pratiques artistiques et des niveaux de discours. Ils mettent au point une argumentation qui peut être déconstruction des rapports hiérarchiques naturalisés, imagination de nouveaux mondes possibles, sape de certaines injonctions intériorisées, mais s’adressent aussi aux affects et au somatique. Discours dominants et contre-discours sont toujours dans un rapport de tension dialectique et souvent de réappropriation réciproque (détournement, neutralisation, etc.).
Résister aux discours dominants incorporés et transformés en habitus implique de changer aussi de pratiques : certaines sociétés ou communautés choisissent d’explorer des rapports sociaux horizontaux, et des modes de production et d’organisation qui tentent de contourner la marchandisation des biens et services par l’autogestion, le troc, la perspective locale, etc. L’empathie et la coopération sont privilégiées par rapport à la mise en concurrence des individus, le consensus par rapport au vote, la co-construction du savoir se substitue à l’enseignement descendant, le respect du vivant remplace l’exploitation sauvage de celui-ci, au point de revenir parfois à des pratiques ancestrales qui ont été déboutées (amérindiennes, anarchistes, des avant-garde, savoir des sorcières, etc.).
Depuis l’université, haut-lieu des discours dominants mais lieu où, malgré tout, il y a un espace pour les contre-discours, depuis une position ouvertement ambiguë donc, nous proposons à CHISPA d’analyser les contre-discours générés dans le monde hispanique depuis l’époque moderne, mais avec un fort ancrage au sein de l’époque actuelle, en réaction aux discours dominants globaux et propres à cette aire géographique, linguistique, culturelle, issus d’une pensée hégémonique et coloniale et d’incorporer les résultats de ces réflexions à nos propres pratiques.
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Avec la nouvelle année, CHISPA décline la thématique d'AMERIBER, l'exception, dans une perspective féministe et propose de s'intéresser à la question des femmes exceptionnelles.
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