GRIAL : Marge, exception, déviation
Le malaise qu’éprouve l’analyste à caractériser l’état de « neutre » tient à la subjectivité de l’échelle pragmatique à laquelle il sait devoir se référer tacitement chaque fois qu’il convoque l’une de ces notions, à savoir la règle par rapport à l’exception, le centre par rapport à la périphérie, la norme par rapport à la déviance. Son corollaire est la difficulté, sans verser dans le jugement de valeur, à nommer cet état « non marqué », rien n’étant moins neutre que le choix de la neutralité. Un tel état de fait engage le sujet, en tant qu’être de parole et en tant qu’être social, dans les pratiques normées qui sont les siennes, dans les discours qu’il produit et dans les représentations qu’il s’en donne. L’analyse critique des prolongements méthodologiques et des implications théoriques que revêtent ces questions dans des domaines aussi divers que les études littéraires, la linguistique ou la sémiotique, mais aussi la traductologie, la didactique, l’histoire des idées ou l’esthétique, apporte une meilleure compréhension des enjeux identitaires qui sont aux sources des productions épilinguistiques, des représentations stéréotypées, des constructions orthonymiques, des rhétoriques de l’écart ou des pratiques genrées, pour ne mentionner que celles-ci.