Marge, exception, déviation

Le malaise qu’éprouve l’analyste à caractériser l’état de "neutre" tient à la subjectivité de l’échelle pragmatique à laquelle il sait devoir se référer tacitement chaque fois qu’il convoque l’une de ces notions, à savoir la règle par rapport à l’exception, le centre par rapport à la périphérie, la norme par rapport à la déviance.

Son corollaire est la difficulté, sans verser dans le jugement de valeur, à nommer cet état "non marqué", rien n’étant moins neutre que le choix de la neutralité. Un tel état de fait engage le sujet, en tant qu’être de parole et en tant qu’être social, dans les pratiques normées qui sont les siennes, dans les discours qu’il produit et dans les représentations qu’il s’en donne.

L’analyse critique des prolongements méthodologiques et des implications théoriques que revêtent ces questions dans des domaines aussi divers que les études littéraires, la linguistique ou la sémiotique, mais aussi la traductologie, la didactique, l’histoire des idées ou l’esthétique, apporte une meilleure compréhension des enjeux identitaires qui sont aux sources des productions épilinguistiques, des représentations stéréotypées, des constructions orthonymiques, des rhétoriques de l’écart ou des pratiques genrées, pour ne mentionner que celles-ci.

Programmation

Maison de la Recherche - Université Bordeaux Montaigne, salle 033

Vendredi 14 février 2025 à 14h

" L’analogie comme problème de linguistique théorique" par Philippe Monneret (Sorbonne Université)

"Dans cette présentation, je propose de définir l'analogie comme une question relevant de la linguistique théorique et plus spécifiquement comme un processus cognitif d'identification qui repose sur une relation de similarité – binaire ou proportionnelle – entre deux (ou plusieurs) entités. Cette relation est établie, consciemment ou non, par un individu singulier dans un contexte spécifique. Si l'on considère l'analogie comme un processus cognitif fondamental qui joue un rôle significatif dans la structuration des langues, des pratiques linguistiques et de l'acquisition du langage, on est conduit à décrire systématiquement l'éventail des relations de similarité qui peuvent générer des analogies. Cependant, cette approche purement descriptive doit être complétée par une perspective fonctionnelle qui implique elle-même une orientation épistémologique large, celle de la linguistique théorique".

Philippe Monneret est professeur de linguistique à la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il est directeur de l’UFR Langue française, président de l’Association des Sciences du langage, fondateur des Cahiers de Linguistique analogique, secrétaire général de la revue Le Français moderne, membre du comité de rédaction de la revue Signifiances et de la revue Intellectica. De formation guillaumienne, il contribue à la diffusion de la psychomécanique du langage et de la linguistique cognitive. Ses travaux récents explorent, dans une perspective cognitive, les contreparties linguistiques des processus analogiques, ce qui le conduit en particulier à s’intéresser à la question du symbolisme phonétique et, plus largement, à contester le primat de l’arbitraire du signe dans l’analyse linguistique. Il a également travaillé comme expert pour le Ministère de l’Éducation nationale et a contribué à l’élaboration de la nouvelle terminologie grammaticale en usage dans les établissements scolaires français depuis la rentrée 2020 ainsi qu’à la rédaction d’un guide pour l’enseignement de la grammaire à l’école primaire.

Vendredi 21 février 2025 à 14h / conférence en espagnol

"Poesía desde los márgenes del siglo XVIII español y de su censura : José Iglesias de la Casa" par Noelia Lopez-Souto (Universidad de La Laguna). Poésie des marges et censure au XVIIIe siècle : José Iglesias de la Casa

"Nous aborderons la poésie espagnole du XVIIIe siècle à travers l'œuvre du poète Iglesias de la Casa. En marge du système, son œuvre fut interdite par la censure. Largement diffusée sous forme manuscrite du vivant de l'auteur, la production lyrique du poète de Salamanque, à tonalité homoérotique, prend parfois la forme de la satire. Qualifiée de subversive, elle est souvent considérée comme marginale."

Noelia Lopez-Souto enseigne la littérature espagnole à l'université de La Laguna (Espagne). Responsable du site de la bibliothèque Bodoni, elle est spécialiste de culture manuscrite et éditoriale du XVIIIe siècle. Sa thèse de doctorat, El epistolario de José Nicolás de Azara et Giambattista Bodoni : libro y cultura entre Roma, Parma y España (Salamanque, 2018) porte sur la circulation des livres en Europe. Elle travaille actuellement sur un projet de réhabilitation et de révision critique de la figure du poète Iglesias et sur l'édition de ses vers censurés. Autrice de Prodigios infantiles de la Ilustración española (Prodiges infantiles des Lumières espagnoles) (2022).

Vendredi 14 mars 2025 à 14h / conférence en espagnol /ANNULE

"El Rodrigo de las Mocedades, hacerse oír desde los márgenes" par Marta Lacomba (Université Bordeaux Montaigne, AMERIBER-GRIAL). Le Rodrigo du Poema de las Mocedades, une voix marginale ?

"Le Poema de Mio Cid et le Poema de las Mocedades de Rodrigo sont consacrées au même héros et partagent le même schéma formel (mester de juglaría). Cependant, l'une est composée au XIIIème siècle et évoque les exploits d'un Rodrigo Díaz déjà connu comme "Le Cid Campeador", alors que l'autre est plus tardive et appartient au genre des "enfances". En partie à cause de ce dernier point, ces deux œuvres présentent également des choix différents en ce qui concerne le positionnement de la voix du héros par rapport à la norme. Nous tenterons de montrer que si la voix du Campeador dans le Poema de mio Cid occupe une position centrale, celle du jeune Rodrigo des Mocedades opère depuis les marges. Cette caractéristique, que les critiques ont tendance à attribuer à la rébellion et à la jeunesse du héros, a cependant des conséquences sur le positionnement du récepteur et plus largement, sur la caractérisation du paradigme littéraire auquel appartient l’œuvre."

Marta Lacomba est professeure au Département d'Études Ibériques e Ibéro-américaines. Ses domaines de recherche sont la littérature et l'historiographie médiévales castillanes. Elle a publié deux ouvrages (Oíd : la voz en la épica cidiana. Del acorde al desconcierto, Vervuert Iberoamericana, collection Medievalia Hispanica 39, 2024 et Au-delà du Cantar de Mio Cid. Les épigones de la geste cidienne à la fin du XIIIe siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 2009). Elle est membre du projet international "El legado historiográfico de Alfonso X (1270‐1350): teoría histórica, tradiciones literarias y textos inéditos (LEHIAL)", dirigé par Francisco Bautista Pérez, de l’Université de Salamanque, financé par le Ministerio de Ciencia, Innovación y Universidades (Espagne) et renouvelé en juin 2022 pour une durée de quatre ans.

Vendredi 21 mars 2025 à 14h

"Pourquoi et comment écrire une histoire locale du jeu vidéo : le cas de l’Amérique latine" par Emmanuel Vincenot (Université Gustave-Eiffel)

Cette communication s’intéresse à l’écriture de l'histoire du jeu vidéo, une discipline encore très jeune et située aux marges de l’histoire culturelle, et défend la nécessité, dans la continuité des travaux de Mélanie Swalwell, d’une approche décentrée et localisée du média vidéo-ludique, qui tienne compte des particularités économiques et technologiques de l’Amérique latine.

Emmanuel Vincenot est professeur en images et civilisation de l’Amérique latine à l’université Gustave-Eiffel, où il enseigne l’histoire des arts visuels en Amérique latine et l’histoire du jeu vidéo. Ses travaux portent sur l’histoire du cinéma en Amérique latine ainsi que sur le jeu vidéo dans le monde hispanique.

Vendredi 4 avril 2025 à 14h

"Le recours à l’intuition et son rapport à l’évidentialité. L’exemple de « quelque chose me dit que », ses variantes et ses équivalents en espagnol" par Patrick Dendale et Ana Stulic (Université d’Anvers, GAP /Université Bordeaux Montaigne, AMERIBER-GRIAL)

Contact : Federico Bravo (federico.bravo @ u-bordeaux-montaigne.fr)