Autorités politiques et historiens dans l’Aragon du début du XVIIe siècle : une recherche réciproque de légitimité

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    Résumé : La répression exercée après les révoltes de 1592 et la publication, au début du XVIIe siècle, de récits très critiques envers le système juridique aragonais poussèrent le pouvoir politique aragonais à organiser une campagne de défense de ses particularismes et de promotion de ses institutions. Les chroniqueurs engagés dans ce but durent restaurer l’autorité du royaume en imposant un récit hégémonique. Un processus qui devait également passer par la démonstration de leur propre autorité en tant que chroniqueurs, ce qu’établirent les autorités politiques. Cet article propose ainsi une étude d’une transmission à double sens de l’autorité entre le pouvoir politique et les historiens en Aragon.

    Mots-clés : autorité, transmission, historiographie, pouvoir politique, légitimité, intertextualité

     

    Resumen: La autoridad entró en crisis en Aragón entre el siglo XVI y XVII. Frente a las consecuencias de la represión ejercida a raíz de las revueltas de 1592 y a la publicación de relatos historiográficos que criticaban rigurosamente las instituciones y el sistema jurídico aragonés, las autoridades del Reino optaron por una defensa escrita. Reclutaron a cronistas con la misión de restaurar el prestigio de las autoridades aragonesas y su reputación. No obstante, para imponer este nuevo relato hegemónico era necesario prestar cierta autoridad a los historiadores de la campaña, una doble transmisión de autoridad entre el poder político y los historiadores que este artículo se propone estudiar.

    Palabras clave: autoridad, transmisión, historiografía, poder, legitimidad, intertextualidad

     

    Abstract: The consequences of the 1592 rebellion and the massive publication of historiographic texts which spread a negative vision of the Aragonese juridic system provoked a crisis of authority in Aragon. To promote the Kingdom’s institutions, the Aragonese powers enrolled chroniclers. Their mission was to restore the reputation and authority of these institutions but, to impose their work, they had to present themselves as historiographic authorities first, a grade that politic powers could offer them. That is why this paper proposes a study of the double transmission of authority between politic power and chroniclers in 17th century Aragon.

    Keywords: authority, transmission, historiography, political power, legitimacy, intertextuality

    Autorités politiques et historiens dans l’Aragon du début du XVIIe siècle : une recherche réciproque de légitimité

    Kassandre ASLOT
    Université Sorbonne Nouvelle – CRES/LECEMO

    L’autorité politique était présente en permanence aux côtés de l’historien dans l’Espagne des XVIe et XVIIe siècles. Elle pesait sur la diffusion des écrits grâce à deux types de censure : la censure préalable exercée par les autorités religieuses et le Conseil Royal d’une part, et la censure a posteriori dont se chargeait l’Inquisition d’autre part. Elle influait également sur la préparation des récits historiographiques : nombreux furent les ouvrages commandés par le pouvoir politique. Celui-ci en vint même à s’attribuer les services de chroniqueurs officiels pour garantir la préservation de ses intérêts. Le roi disposa de ce ministre dès le XVe siècle en Castille et à partir de 1599 dans la Couronne d’Aragon[1]. Toutefois, la charge de chroniqueur officiel du royaume avait déjà été créée en 1547 ; à la fin du XVIe siècle l’Aragon était donc doté de deux discours officiels émanant d’autorités politiques différentes. Le phénomène n’était pas caractéristique du royaume, cette même charge apparut plus tard dans les territoires voisins : en 1564 en Catalogne ou en 1604 à Valence par exemple (Alcoberra i Pericay 1998 : 7-8). Le royaume d’Aragon avait, en revanche, été précurseur dans la démarche.

    En outre, le XVIe siècle marqua une évolution de l’ars historica : auparavant vouée à un rôle avant tout didactique, elle se vit conférer un rôle plus politique et de propagande (Esteve 2014 : 120). L’historien moderne dut donc gagner la reconnaissance des autorités politiques avant de gagner celle de ses homologues et de devenir, lui-même, une autorité. L’autre versant de la relation de l’historien avec l’autorité était en effet son rapport aux autorités, c’est-à-dire à ses prédécesseurs antiques les plus reconnus, les auctoritates, dont la présence au sein de son texte lui permettait de légitimer son statut d’auteur. Selon la double acception de ce mot, dérivé de l’auctor de l’Antiquité latine, l’auteur était non seulement le créateur d’une œuvre mais également celui digne de « fides », de confiance et de respect étant donné sa propension à dire la vérité (Gavoille 2019 : 17). Nous souhaitons donc interroger dans cet article la relation plurielle du chroniqueur aux autorités, politiques et historiographiques, en prenant le cas précis de l’Aragon du début du XVIIe siècle. Le royaume offre un laboratoire particulièrement intéressant dans la mesure où la révolte de sa capitale, Saragosse, contre les représentants du roi en 1591 provoqua une remise en cause de l’autorité politique. Afin de reprendre le contrôle du territoire et de sa capitale, le monarque Philippe II réduisit l’autonomie des institutions aragonaises qui, dès lors, organisèrent la reconquête de leur pouvoir et de leur réputation en faisant appel à des historiens chargés de mettre en place une campagne de défense et de promotion du royaume. Dans le cadre de cette étude, nous démontrerons comment les chroniqueurs au service de l’Aragon se servirent de leurs relations avec le pouvoir politique pour légitimer leurs écrits en s’appropriant l’autorité de leurs commanditaires afin de construire la leur. Nous étudierons également les stratégies mises en œuvre par les historiens dans le but d’asseoir et de justifier le pouvoir de leurs commanditaires aragonais, établissant de cette manière une transmission à double sens de l’autorité.

    Les deux enjeux d’autorité de la campagne furent en réalité traités de façon connexe à travers deux stratégies principales permettant l’imposition d’un récit officiel depuis l’Aragon. La première consistait à légitimer les auteurs aragonais faisant partie de la campagne afin que leur version des événements fasse autorité tout en décrédibilisant, dans un second temps, les auteurs castillans et étrangers ayant proposé une histoire de l’Aragon impropre aux yeux des autorités aragonaises mais qui faisait alors autorité. Le but des historiens fut donc de construire une nouvelle auctoritas en rejetant celle de la Castille pour imposer une histoire aragonaise depuis le royaume d’Aragon, capable de démontrer la profonde justice du système politique défendu par les autorités.

     

    L’autorité historiographique des chroniqueurs aragonais

    Déconstruire l’auctoritas castillane

    Bien que les députés, en tant que représentants du royaume, et le Concejo de Saragosse, autorité municipale, aient multiplié les commandes et les financements d’œuvres chargées de rétablir la réputation de l’Aragon (Gascón Pérez 1995), la seule saturation de l’espace éditorial par ces écrits n’était pas suffisante à l’acceptation d’un nouveau récit hégémonique. Pour que les récits aragonais remplacent les versions castillanes il fallait qu’ils fassent autorité. Or, la notion d’autorité, telle qu’elle a été décrite par Hannah Arendt et Alexandre Kojève, ne peut reposer ni sur la contrainte ni sur la persuasion (Sintomer 1994 ; Zenoni 2004 : 221). Elle est, selon les termes d’Elisabeth Gavoille (2009 : 14), « surcroît de puissance » accepté par tous et instaure une hiérarchie qui ne peut être discutée. Les auteurs aragonais s’employèrent donc à remettre en cause l’autorité représentée par les historiographes castillans, une autorité concédée par leur rapport privilégié avec le roi, qui tenait lui-même son autorité de Dieu (Kagan 2010 : 410-414). Selon la définition donnée plus haut, remettre en cause une autorité revient à la faire disparaître, dans la mesure où elle n’est plus unanimement reconnue (Zenoni 2004 : 221). Il s’agissait donc pour les historiens aragonais de briser le rapport de confiance, la « fides » évoquée dans l’introduction, avant de pouvoir imposer une version différente des événements.

    Leur cible privilégiée devint le chroniqueur castillan Antonio de Herrera y Tordesillas qui avait diffusé une vision très négative de l’Aragon dans son Tratado, relación y discurso histórico de los movimientos de Aragón publié en 1612. Dans cet ouvrage entièrement dédié au récit des révoltes de 1591 et à leur répression postérieure, Antonio de Herrera proposait une véritable remise en cause du système politique et juridique aragonais en affirmant qu’il favorisait l’impunité, le désordre et la désobéissance envers le roi. Ce ne fut pas tant le contenu de ce discours, déjà diffusé auparavant dans les histoires universelles[2] et dans les éloges funèbres dédiés à Philippe II[3], que l’autorité dont jouissait le chroniqueur qui convainquit les autorités aragonaises de la nécessité de jeter le discrédit sur lui. Le statut hiérarchique de Herrera, qui cumulait au début du XVIIe siècle des charges prestigieuses au sein de l’historiographie hispanique[4], permettait à ses œuvres d’être considérées comme sérieuses et dignes de confiance.

    Ainsi, plutôt que de supprimer les références à Herrera, les différents chroniqueurs engagés par les autorités aragonaises le rendirent omniprésent en multipliant les critiques à son égard. La contradiction du récit de Herrera fut même considérée à diverses reprises par les députés du royaume comme l’un des premiers objectifs des chroniqueurs engagés[5]. La campagne aragonaise se concevait comme une réponse au texte du chroniqueur royal, elle devait donc commencer par défaire l’autorité de Herrera avant de proposer un nouveau récit.

    Antonio de Herrera est érigé dans les différents textes comme exemple du mauvais traitement dont le royaume était victime. Les différents auteurs pro-aragonais dénoncent les mensonges du Castillan, à l’image de Vincencio Blasco de Lanuza (1619 : 276) qui affirme que « en el pequeño libro que de nuestras cosas escrive, puso más impossibles, y cosas increíbles, que palabras » ou de Gonzalo de Céspedes y Meneses (1622 : 214) qui critique plusieurs auteurs, Herrera en particulier :

    y sobre todos el Castellano Herrera, assi en la  historia general  del mundo como en otro librico, que escrivió destos hechos. Todos estos Autores refirieron quanto tocó a esta parte, con menos circunspección, que lisonja: erraron totalmente el sucesso, dixeron mil engaños y descuydos sin verdad ni aun ficción

    C’est non seulement son récit que l’on met en cause mais aussi sa méthode de travail et ses qualités d’historien afin de pouvoir discréditer entièrement son autorité en tant que chroniqueur. Une fois l’autorité des représentations négatives de l’Aragon sapée, la version des Aragonais pouvait s’ériger en tant que récit officiel.

    Vers une nouvelle auctoritas aragonaise : l’utilisation de l’intertextualité

    En suivant toujours la théorie de Arendt et Kojève, la construction d’une autorité ne peut se réaliser par son imposition forcée ou sa justification, elle peut seulement se proposer et s’imposer par son acceptation générale. Les auteurs aragonais construisirent donc une nouvelle auctoritas en multipliant les citations et les emprunts entre les chroniqueurs, c’est-à-dire en instaurant différentes formes d’intertextualité (Genette 1982 : 8) entre les écrits de la campagne de défense. Alors qu’auparavant le sérieux d’un récit historique reposait sur sa capacité à s’appuyer sur des autorités, le plus souvent latines, elles avaient été remises en cause après la découverte de l’Amérique, phénomène que les penseurs antiques n’avaient jamais envisagé, ce qui donna lieu au développement du regard critique de l’historien envers ses sources (Courcelles 2008 : 126-129). Le travail du chroniqueur ne consistait plus seulement à compiler et reproduire les récits historiques des autorités, mais à faire preuve de l’esprit critique et du recul nécessaire pour prendre en compte les causes et les conséquences des événements racontés. L’évolution de la méthode historiographique permit aux chroniqueurs aragonais de se fonder sur des historiens plus récents mais à la démarche plus rigoureuse. Jerónimo Zurita, premier chroniqueur officiel aragonais en 1548, fut ainsi élevé au rang de nouvelle autorité. Les différents historiographes considérèrent Zurita comme le meilleur historien de son temps, et son successeur au poste, Jerónimo de Blancas, comme son héritier (Solano Costa 1986 : 39). Afin d’imposer ces deux nouvelles autorités historiographiques, les auteurs aragonais du début du XVIIe siècle mirent en place un jeu de citations. Ainsi, dans le deuxième traité de Diego Murillo, « Excellencias de la Imperial Ciudad de Çaragoça » (1616), qui aborde, entre autres, les événements de 1591-1592, Zurita est la source le plus citée dans les marges (on le retrouve dans 28 pages), suivi de Blancas (17 pages), loin devant Prudencio et Aristote (9 et 8 pages respectivement).

    En construisant l’autorité de leurs prédécesseurs, les chroniqueurs construisaient aussi la leur. Selon sa définition antique, l’autorité suggère le début, le commencement selon une perspective de continuité, comme l’indique Élisabeth Gavoille (2015 : 31) :

    « l’auteur » est ce qui sert à désigner une « instauration discursive », c’est-à-dire qu’il est celui vers lequel on fait retour (pour les hommes de l’Antiquité, c’était d’abord Homère ou Platon). Ce n’est pas le créateur considéré au moment de son énonciation, mais une figure désignée rétrospectivement comme fondement de multiples énoncés.

    En faisant de Zurita et de Blancas des autorités en matière d’histoire, les chroniqueurs aragonais se placèrent eux-mêmes dans cette tradition.

    En outre, l’imposition d’un récit hégémonique officiel des événements de 1591 dut également passer par la construction d’une continuité entre les écrits de la campagne. Il était nécessaire que les historiens diffusent le même discours et valident, de cette manière, les discours antérieurs et le leur, un phénomène que l’on peut étudier à travers les différentes versions d’un même épisode. L’un des exemples les plus probants est le récit de l’exécution du Justicia Juan de Lanuza, le plus haut magistrat du royaume, en novembre 1591. L’analyse de la narration de l’événement dans quatre ouvrages de la campagne démontre la présence de fragments de textes identiques d’une œuvre à l’autre, bien qu’ils aient parfois été disposés de manière différente, modifiés ou transformés dans une sorte de « variations sur un même thème ». Partons de la version la plus ancienne, c’est-à-dire celle de Lupercio Leonardo de Argensola qui fut rédigée en 1604 (bien qu’elle ne fût publiée qu’en 1808). Il est évident qu’elle servit de source à l’Historia Apologética du Castillan Gonzalo de Céspedes y Meneses (1622), récit le plus récent et également le plus dense, alors que l’auteur n’avait pas été témoin des événements. Ce texte semble être une synthèse des trois ouvrages précédents, comme le montrent les phrases que l’on retrouve de l’un à l’autre. En effet, l’extrait « En el camino dizen que aun bolvió a preguntar la causa de su muerte » (Céspedes y Meneses, 1622 : 188) est à rapprocher de la phrase de Leonardo de Argensola : « En el camino volvió á preguntar el justicia la causa de su muerte » (1808 : 139). Les deux expressions sont si proches, presque littérales, qu’il est difficile de croire à une simple coïncidence. Il apparaît clairement que la plus récente a été copiée, ou largement inspirée, de la version originale, pourtant restée manuscrite, qui fournissait une information et une formulation absentes des récits intermédiaires de Murillo (1616) et Blasco de Lanuza (1619). Toutefois, en poursuivant la comparaison, on se rend compte que Céspedes ne s’inspire pas seulement de Leonardo de Argensola mais également des deux autres auteurs, en effectuant un mélange entre les différentes versions. Il sélectionne ainsi des informations et des tournures de phrases chez plusieurs chroniqueurs. Le syntagme « con entereza replicó que mal aconsejado aun lo podía aver sido pero traydor nunca lo imaginara » (Céspedes y Meneses 1622 : 188) est une reprise de la formulation de Murillo (« dixo con animo sosegado : traydor no, mal aconsejado sí », 1616 : 126) également présente chez Blasco de Lanuza (« y diciendo traydor no, mal aconsejado sí », 1619 : 233). Or, les trois phrases, très similaires, s’opposent à la version de la même scène chez Lupercio Leonardo qui rapporte lui aussi les paroles du Justicia : « no lo digo sino por si puedo disculpar a alguien » (1808 : 140). Le même procédé de sélection dans des sources différentes, mais toujours aragonaises, est également utilisé par les autres auteurs étudiés. Blasco de Lanuza pioche chez Lupercio Leonardo pour décrire la tenue de Lanuza qui, lorsqu’il est exécuté, porte toujours le deuil de son père : « en el cadalso, que estava cargado de luto, y él también lo estava, que lo llevava por la muerte de su padre » (Blasco de Lanuza 1619 : 233), une formulation qui rappelle la phrase de 1604 : « salía con el mismo luto que pocos días había traído por la muerte de su padre » (Leonardo de Argensola 1808). Toutefois, il emprunte ensuite à Murillo l’évocation de la prière du Justicia juste avant son exécution : la phrase « y después diziendo con grande devoción las palabras del Hymno de la Virgen : Maria Mater gratiae / Mater misericordiae / Tu nos ab hoste protege / Et hora mortís suspice. Que fueron las últimas, que pudo pronunciar, le fue cortada la cabeça » (Blasco de Lanuza, 1619 : 233), est une copie exacte de celle rapportée dans l’œuvre de 1616 : « porque, poco antes de morir dixo con grande affecto aquellas palabras : Maria mater gratiae mater misericordiae, tu nos ab hoste protege, & hora mortis suscipe […]. Fueron las últimas; porque en acabando de dezillas, le fue cortada la cabeça » (Murillo 1616 : 126).

    Nous pourrions étendre l’analyse à de nombreux autres épisodes qui donneraient le même résultat, à savoir que les auteurs s’inspirèrent de façon plus ou moins directe et importante des œuvres de leurs prédécesseurs. En reprenant des épisodes d’un texte à l’autre, les historiens légitimaient les versions antérieures et s’assuraient de diffuser une version validée par l’autorité aragonaise puisqu’elles avaient été rédigées par leurs chroniqueurs officiels. Pour synthétiser, en utilisant la terminologie de Gérard Genette (1982 : 14), l’auteur secondaire, ou hypertexte, s’inspire d’un auteur primaire, ou hypotexte reconnu par le pouvoir politique : Lupercio Leonardo de Argensola écrivit après avoir obtenu la charge de chroniqueur officiel de la Couronne d’Aragon en 1599, son autorité d’historien fut de nouveau validée en 1608 lorsqu’il fut nommé chroniqueur officiel du royaume d’Aragon (Ordovás Esteban 2019 : 86). À l’inverse, Gonzalo de Céspedes y Meneses rédigea son ouvrage en tant que simple exilé castillan à Saragosse[6]. C’est son Historia Apologética, inspirée de l’ancien chroniqueur officiel, qui lui valut la reconnaissance de son statut d’historien lorsque le Concejo en finança la publication[7]. Soulignons cependant que la copie ou l’inspiration ne fut en aucun cas réalisée sans recul de la part des différents chroniqueurs. Ils s’approprièrent les propos de leurs prédécesseurs en les transformant suffisamment pour protéger des intérêts différents. Ainsi, la version de Lupercio Leonardo, que nous pourrions qualifier de première version officielle car elle fut la première à être conservée dans les archives du palais de la Députation[8], subit tout de même la censure du Conseil Suprême[9] et de quelques nobles aragonais mécontents de l’évocation de certaines responsabilités dans les événements de 1591[10], c’est pourquoi les chroniqueurs qui lui succédèrent s’inspirèrent de son récit tout en en proposant une version moins polémique (Aslot 2021 : 34-35).

    Légitimité politique et historiographie

    Le paratexte comme outil de légitimité des chroniqueurs aragonais

    Pour acquérir sa réputation d’historien, son autorité, il était également nécessaire de prouver son professionnalisme, au-delà de l’appartenance à une tradition. Or, mettre en avant sa propre légitimité n’était que peu efficace et convaincant, d’autant plus que l’humilitas était une valeur importante à cette époque (Güell 2009 : 25-28). C’est pourquoi les auteurs s’appuyèrent sur d’autres autorités pour mettre en avant leur légitimité à leur place et se chargèrent de diffuser cette validation dans le paratexte de leurs œuvres. À cette époque de contrôle accru de l’écrit, les censures et des approbations devaient obligatoirement être imprimées dans les livres (Bouza 2012 : 12-13), mais leur publication pouvait également être utile à l’auteur dans la mesure où la décision des censeurs était justifiée plus ou moins brièvement. Bien que la phrase typique : « no contiene cosas contra la Fe Católica y las buenas costumbres », n’apporte pas beaucoup d’informations concernant le sérieux et le professionnalisme de l’historien jugé, certains textes détaillaient l’avis du censeur et mettaient en avant des aspects précis de l’œuvre. Ainsi, les chroniqueurs aragonais se plièrent-ils à cette obligation et multiplièrent-ils même parfois ces textes en sollicitant eux-mêmes l’avis de personnes extérieures en tant que garantes de la moralité et de l’utilité de leur œuvre. Vincencio Blasco de Lanuza intégra au paratexte de son livre de 1619 deux approbations religieuses, deux approbations civiles ainsi que l’approbation de l’abbé de San Juan de la Peña, qu’il avait sollicité[11]. Les différents censeurs évoquent les bénéfices de son ouvrage qui « ha de ser de mucha utilidad a los fieles » selon Jusepe de Palafox, et qui mérite d’être imprimé « por estar trabajado con mucho cuydado, y erudición » pour Francisco Miguel de Pueyo. Le point de vue de l’abbé, très court et peu détaillé, permet simplement de valider l’autorité et la légitimité de Blasco de Lanuza en ce qui concerne l’histoire religieuse. Soulignons qu’en 1619, l’abbé de San Juan de la Peña, Juan Briz Martínez était également député du royaume, ce qui conférait à son avis une autorité politique[12]. La multiplication des censures, lorsque deux seulement étaient obligatoires, illustre la volonté de l’auteur de se présenter comme un bon historien et de montrer le sérieux et l’authenticité de son récit. Toutefois, le cas de Blasco de Lanuza n’est pas le plus surprenant dans la mesure où Diego Murillo (1616) ne copie pas moins de onze approbations religieuses et deux approbations civiles au début de sa Fundación milagrosa de la Capilla Angélica y Apostólica de la Madre de Dios del Pilar. Il affirme néanmoins ne pas être à l'origine de cette multiplication :

    Porque podría parecer algún género de ambición, aver impressó tantas aprobaciones en el principio del libro, advierto al Lector, que sin saber dellas, ni conocer a las personas que las han dado, me las han remitido de Barcelona; y que no huviera permitido imprimillas, sino por no parecer que menosprecio la merced que me hazen, personas cuya censura es digna de tanta estima. Su alabança me sirve de confusión, porque conozco quan lexos estoy de merecella. (Murillo, 1616 : « Advertencias al lector »)

    En réalité, cette forme d’humilitas permet d’attirer encore plus l’attention du lecteur sur les approbations. Il est en effet permis de douter du fait que les lecteurs prenaient réellement le temps de lire ces textes souvent répétitifs. Dans le cas de Murillo, les censeurs mettent en avant les vertus personnelles de l’auteur et les bénéfices de la publication de son œuvre : développer le culte du Pilar et faire connaître des histoires saintes oubliées. L’exagération et l’hyperbole sont de mise pour valoriser le travail de l’Aragonais qui, selon le père Juan Jerónimo Cenedo, « ha tenido particular favor del Cielo, para averiguar verdades y decirlas con tanta eloquencia y claridad » (Murillo 1616 : « Aprovación del Padre Fr. Juan Gerónymo Cenedo, doctor en Theología y en Derechos, y cathedrático de Decreto en la Universidad de Çaragoça »). Francisco Ferriz va même plus loin en affirmant que « no ay palabra en todo este libro que no merezca estar con letras de oro escrita y estampada en las memorias de los curiosos, doctos, y desseosos de saber los encomios de este Reyno » (Murillo 1616 : « Aprovación del padre Fr. Francisco Ferriz, lector jubilado »). L’avis des censeurs assoit donc l’autorité de l’historien en mettant en avant ses qualités mais aussi celles de l’œuvre en elle-même qui se doit d’être bien écrite et de s’astreindre à la vérité. S’opère ainsi un transfert d’autorité depuis le pouvoir civil et religieux vers l’historiographie, transfert renforcé par la mention des commanditaires de l’œuvre, elle aussi toujours présente dans les paratextes des ouvrages de la campagne aragonaise. Les auteurs se gardent bien d’apparaître comme indépendants, une caractéristique pourtant souvent mise en avant dans les descriptions du bon historien publiées à cette époque (Esteve 2021).

    Construire la légitimité de l’autorité politique à travers l’historiographie

    Les autorités civiles et religieuses servaient donc de garants de la légitimité des chroniqueurs grâce à l’opinion émise dans les approbations et aux liens qui les unissaient aux historiens par le biais des commandes. Toutefois, le phénomène inverse existait également, puisque les auteurs aragonais cherchèrent à restaurer l’autorité dégradée des institutions aragonaises. La fin du XVIe siècle représenta une crise de l’autorité dans le royaume à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les autorités régnicoles furent incapables d’endiguer la hausse de la délinquance et du banditisme : les conflits entre juridictions rendirent difficile voire impossible la poursuite des malfrats qui imposèrent un climat de violence et de peur (Colás Latorre et Salas Auséns 1982 : 490 ; Gascón Pérez 2014). La répression exercée par Philippe II en 1591 finit de remettre en cause l’autorité du royaume : en exécutant le représentant suprême de cette autorité, le Justicia, elle fut supprimée elle aussi. L’objectif des chroniqueurs fut donc de rétablir la réputation des institutions en revenant à l’acte de fondation du royaume et donc de leur autorité : comme nous l’avons vu, l’auctor est la force fondatrice, celui qui a impulsé l’action ayant donné lieu à l’instauration d’une évolution prospère (Gavoille 2019 : 15). Cette stratégie est aussi le reflet de l’intérêt croissant porté, à cette époque, à l’antiquité avec une redécouverte des œuvres et l’explosion des collections privées en rapport avec cette période, et également l’utilisation d’objets et de données archéologiques pour écrire l’histoire (Gil Pujol 1991 : XXVI). Cet intérêt s’accompagna d’une idéalisation du passé plus ou moins récent de l’Espagne : le règne des Rois Catholiques, la Reconquête et l’Espagne wisigothique (Bravo 2010 : 126-127). Les auteurs associèrent le système politique aragonais à l’idée d’un passé glorieux en faisant remonter la figure du Justicia à la naissance même du royaume et de ses lois, faisant de l’apparition de ce juge intermédiaire chargé de modérer les passions du monarque, un phénomène antérieur à l’élection du premier roi. Les lois originelles, appelées fueros de Sobrarbe, furent, de plus, idéalisées dans les textes et présentées comme le fondement du bien commun et de la prospérité du royaume, le pouvoir du Justicia reposant ainsi sur leur ancienneté et leur bien-fondé. En reprenant les mythes de Sobrarbe et de l’élection du premier roi comme éléments fondateurs des rapports de pouvoir en Aragon, les historiens légitimaient les relations entre le roi et le royaume en leur octroyant par « contamination » la même idéalisation.

    La transmission de la légitimité entre les autorités politiques et l’historiographie s’établit donc, au début du XVIIe siècle, à double sens. Le pouvoir utilisa l’écrit pour légitimer son autorité en évoquant ses origines très anciennes et en établissant des mythes fondateurs chargés de diffuser une perception idéalisée des lois. Toutefois, pour que l’historiographie puisse être efficace dans sa mission justificatrice, il fallait que les historiens choisis bénéficient d’une forme d’autorité aux yeux du public et de leur propre communauté. La légitimité du chroniqueur fut ainsi conférée par les autorités qu’il était lui-même en train de légitimer, grâce aux approbations, aux dédicaces et aux censures. Cependant, la légitimité de l’historien ne pouvait être exclusivement politique, elle devait aussi se fonder sur sa propre autorité dans le domaine historiographique. Dans cette optique, les chroniqueurs aragonais procédèrent en deux étapes essentielles à la naissance d’une nouvelle auctoritas : saper l’autorité castillane antérieure en discréditant non seulement les ouvrages mais aussi les compétences des historiens et imposer une nouvelle auctoritas aragonaise. L’inscription des différents historiens dans une tradition qui fit autorité fut possible grâce l’utilisation de diverses formes d’intertextualité entre les écrits de la campagne. En citant le nom, l’œuvre, en reprenant certains fragments, en réutilisant des expressions, des idées des auteurs précédents, le chroniqueur établissait une continuité depuis le fondateur de l’historiographie aragonaise, Jerónimo Zurita. La transmission de l’autorité se fit donc presque simultanément entre le pouvoir politique et les historiens à une époque où s’installait un débat historiographique qui remettait en cause les rapports de pouvoir en Aragon.

     

     

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    [1] Rappelons que la Couronne d’Aragon réunissait à cette époque les royaumes d’Aragon, de Valence, de Majorque, de Naples, de Sicile, de Sardaigne et la principauté de Catalogne.

    [2] Les histoires universelles qui relatent les faits aragonais sont les suivantes : le Suplimento all’historia della vita del catolico re delle Spagne, etc. D.Filippo II d’Austria, cioè compendio di quanto nel mondo è avvenuto dall’anno 1583 fino al 1596 d’Agostino Campana (Venise, appresso Bartolomeo Carampello, 1609 : 41-42 et 46) ; « Appendix ad Chronologiam Genebrardi » de Victor Palma-Cayet dans Gilb. Genebrardi theologi Parisiensis divinarum Hebraicarumque literarum professoris regii Chronographiæ libri quatuor (Paris, Sebastianum Nivellum 1600 : 62-65) ; Delle historie del mondo. Parte Quinta, Bartolomeo Dionigi (Venise, appresso Giorgio Varisco 1606 : 398) ; Opus Chronologicum rerum per universum orbem gestarum sedem… de James Gordon (Colonia, Johannes Cristhium 1614, 479) ; Mercurius Gallobelgicus de Michel Jansonius (Coloniae Agrippina, Apud Godefridum Kempensem 1592 : 163-165). Sur le traitement des épisodes aragonais dans les textes des XVIe et XVIIe siècles, voir Gascón Pérez (1995 : 19-53).

    [3] Certains poèmes et sermons rédigés après la mort de Philippe II évoquent les soulèvements aragonais et leur répression. C’est notamment le cas du « Sermón a las honras del rey Católico don Felipe nuestro señor » de Francisco Sobrino, qui fut publié en 1601 par Juan Iñíguez de Lequerica dans les Sermones funerales en las honras del rey Nuestro Señor Felipe II (Madrid: 257-276) et de « Epitaphium Philippi Regis » de Jaime Falcó, publié dans le Operum poeticorum en 1600 (Mantuæ Carpentanorum, apud Petrum Madrigalem: 16-17).

    [4] Il était chroniqueur officiel des Indes ainsi que chroniqueur officiel du roi et à ce titre son conseiller, et également son secrétaire (Kagan 2013 : 201-202).

    [5] Archivo de la Diputación Provincial de Zaragoza (dorénavant ADPZ), Mns 769 (1608), fol. 211r, Mns 353 (1619), fol. 413, Mns 361 (1621), fol. 195v ; Real Academia de la Historia, Mns 9/548, fol. 145v.

    [6] Pour plus d'informations sur la biographie de Céspedes y Meneses, voir l’introduction de Yves-René Fonquerne (Céspedes y Meneses,1970).

    [7] Archivo Municipal de Zaragoza, LA00056, fol. 201v.

    [8] Les versions des chroniqueurs antérieurs Jerónimo Martel et Juan Costa avaient été détruites suite à leur examen méticuleux par le chanoine de Roda, député de l’époque, Bartolomé Llorente et Lupercio Leonardo de Argensola qui fut nommé chroniqueur officiel à la place de Jerónimo Martel, destitué après cette censure (Muñoz y Manzano 1905 : 27). Le rapport des censeurs est consultable à l’ADPZ, Mns 769 (1608), fol. 208r-211v.

    [9] Ainsi que l’indique lui-même Lupercio Leonardo dans le prologue de son ouvrage (1808 : « Prólogo »).

    [10] La lettre d’un oligarque de Saragosse mécontent à Lupercio Leonardo est consultable à la Bibliothèque Nationale d’Espagne, ms 6121, fol. 34-41.

    [11] L’abbé commence son texte par une référence à cette sollicitation : « Pídeme VM con instancia, que le diga mi parecer, con toda libertad Christiana cerca de su nueva historia secular » (Blasco de Lanuza 1619: « Censura y carta del Dotor don Juan Bríz Martinez abad de San Juan de la Peña al autor »).

    [12] En ce qui concerne la charge de député de Briz Martínez, voir ADPZ, Mns 353 (1619), fol 110r.