Eduardo VIVEIROS DE CASTRO, Le regard du jaguar
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Eduardo VIVEIROS DE CASTRO, Le regard du jaguar.
Introduction au perspectivisme amérindien
Traduit du portugais (Brésil) par Pierre Delgado, Bordeaux, Éditions La tempête, 2021, 320 p. ISBN : 9791094512227
Raphaël ESTEVE
Univ. Bordeaux Montaigne, AMERIBER
La raison d’être de ce compte rendu, s’il nous est permis ici, de façon un peu extraterritoriale, d’éditorialiser, est bien entendu liée à la présence, dans le numéro précédent de la revue (Conceφtos 3|2021) de la belle traduction proposée par Juan Moreno Freitas de l’article d’Eduardo Viveiros de Castro (1951, Rio de Janeiro), anthropologue brésilien désormais fort bien situé au sein d’une constellation de penseurs dont il partagerait l’occupation avec Bruno Latour, Philippe Descola, « Le natif relatif », paru en langue originale en 2002. Cet article est en effet la matrice, déclarée telle dans le présent ouvrage, Le regard du Jaguar, de l’œuvre qui aura fait connaître son auteur en France, Métaphysiques cannibales¸ publiée en 2009 dans la collection des Presses Universitaires de France, « MétaphysiqueS », très parlante en termes de génération philosophique (puisqu’elle est, en simplifiant, associée au renouveau métaphysique du « réalisme spéculatif », la collection étant dirigée par son chef de file Quentin Meillassoux, associé en l’espèce à Élie During, Patrice Maniglier, David Rabouin, et ayant notamment publié Tristan Garcia, Ray Brassier ou encore Graham Harman). Plus encore que Métaphysique cannibales, « Le natif relatif » est un texte dense et ardu, ce qui a en quelque sorte appelé la nécessité de l’accompagner de la recension/prescription d’un ouvrage susceptible d’en faciliter ou d’en préparer la compréhension. Car la forme adoptée par Le regard du jaguar est en elle-même traditionnellement dévolue à la présentation d’une œuvre et de l’itinéraire qu’elle traduit. Il s’agit en effet d’un recueil de 12 entretiens menés par des interlocuteurs la plupart du temps différents, réalisés entre 1999 et 2013, et agencés à une ou deux exceptions près, permettant à l’ouvrage une belle cohérence indissociable de sa progressivité, dans l’ordre chronologique. Ce format spécifique, et répétons-le particulièrement bienvenu, rend bien sûr non avenue une recension linéaire et cursive de l’ouvrage. Aussi notre propos se limitera-t-il ici à dégager quelles sont les dimensions abordées par l’auteur et auxquelles le lecteur désireux d’entrer dans l’œuvre de l’auteur pourra se reporter profitablement, en en esquissant les linéaments théoriques les plus apparents.
La vision de l’anthropologie comme théorie et pratique, sans qu’il y ait comme nous le verrons d’antériorité logique postulée entre ses deux dimensions, va ici être informée par le biais d’axes structurants ou de lignes de détermination que nous pouvons d’ores-et-déjà lister : le concept de perspectivisme amérindien, enamont de sa formalisation, l’ayant assurément influencée, l’anthropophagie d’Oswald de Andrade ; l’aporie de la définition « identitaire » régissant les rapports des Indiens et de l’État brésilien ; dans le prolongement de ces guillemets autour du terme « identité », la problématisation de la notion de propriété notamment intellectuelle ; l’humeur politico-culturelle des années de formation de l’auteur (le Brésil des années 70) ; et enfin, parmi les figures ayant contribué le plus au volet intellectuel de cette formation, l’accent mis sur les apports jugés les plus importants de l’œuvre de Lévi-Strauss.
Commençons donc par le « perspectivisme amérindien », que nous déclarerions par facilité « copyrighté » par Viveiros de Castro si le participe n’impliquait un dévoiement total de sa conviction que nous venons d’évoquer quant à un indispensable renouvellement du concept de propriété intellectuelle. Au fondement de ce concept, on trouve d’abord l’idée, peut-être déjà politique bien qu’elle soit ici posée comme un fait avéré sur le plan ethnographique, d’une « unité culturelle panaméricaine » (p. 60). Et c’est en amont de cela le constat que, pour les indigènes, la relation de préséance entre l’animalité et l’humanité est l’inverse de la « nôtre » qui va nous permettre d’expliquer le titre de l’ouvrage. Pour « nous », l’animalité est le fond commun dont va s’extraire l’humanité, entendue sinon comme éminence tout au moins comme exception. Et avec cette extraction naîtra, fatalement perçue, de ce point de vue, comme un progrès, la culture. Pour les indigènes, au contraire, le fond commun est l’humanité. D’où le fait qu’ils appréhendent les animaux en tant que sujets. L’idée est à partir de là que la perspective est non pas déterminée par la nature d’un sujet qui lui préexiste, mais bien, au contraire, que c’est la perspective qui institue le sujet : « Le point de vue crée le sujet » (p. 71) serait ainsi le crédo fondamental du perspectivisme. Cette ontologie est on le comprend incompatible avec l’approche anthropologique traditionnelle, au moins en partie substantialiste qui réduirait la discipline à « travailler avec le problème de la relation entre l’unité biologique de l’homme et sa diversité socioculturelle » (p. 162). Dès lors que l’anthropologie telle que la conçoit Viveiros de Castro a pour objectif « la reconstitution de l’imagination conceptuelle indigène dans les termes de notre propre imagination » (p. 75), le problème se pose d’une refondation sémantique secondée par l’imagination : l’idée qu’il faut « trahir » les acceptions et représentations associées à ces termes par la culture de l’anthropologue, ce qui est la seul modalité de traduction possible entre lui et ses « vis-à-vis » indiens : « Pour pouvoir faire en sorte que l’anthropologie qui est la leur parle ma langue, je dois modifier la notion de naturalité, la notion de culture, la notion du moi, la notion de l’autre » (p. 280). Ces notions reposant bien entendu sur un profond socle de sédimentation métaphysique propre à nos civilisations occidentales. Le concept de point de vue doit lui-même à ce compte être repensé et aménagé.
Au fondement du perspectivisme qui se situe, on l’aura compris aux antipodes de l’ethnocentrisme, il y a la première des deux inversions des motifs canoniques de la philosophie occidentale que nous allons relever. Celle du Cogito cartésien, renversé en « l’autre existe, donc je pense » (p. 70). Le fait, à partir de là, que l’existence de l’autre implique que sa pensée soit autre que la mienne, fait parvenir l’auteur à la conclusion que « si je pense, alors moi aussi je suis un autre » (Ibid.). L’idée que la pensée ne serait « intéressante » qu’en tant que puissance d’altérité constitue aux yeux de Viveiros de Castro une bonne définition de l’anthropologie, au sens où elle va faire écho à la théorie « poétique et politique » que l’auteur veut placer au fondement de sa pratique perspectiviste : l’anthropophagie d’Oswald de Andrade, qui à travers son fameux mantra, « ne m’intéresse que ce qui n’est pas à moi » est présenté « comme une arme de combat contre la sujétion culturelle de l’Amérique latine, Indiens et non-indiens confondus, par les paradigmes européens et chrétiens » (p. 82). On comprend que ce qui doit être ici inversé est plus largement le principe d’identité, entendu comme substrat de la pensée occidentale : une inversion que l’ingestion du non-moi métaphorise voire signifie. Ce cannibalisme est également le vecteur symbolique d’un autre réinvestissement, celui de l’agon que Pierre Clastre réintroduit déjà en relevant la vertu de la violence guerrière des peuples indiens comme force d’insoumission. Tout ce champ lexical appelle bien entendu la seconde des deux inversions que nous annoncions, celle de la dialectique hégelienne, entendue la plupart du temps comme force inéluctable de résorption d’une différence finalement transitoire. Or, l’enjeu est ici au contraire, y compris au terme de l’ingestion (par moi) de ce qui n’est pas moi, de le faire perdurer dans sa différence, au sens où il s’agit bien d’un processus « d’autotransformation par l’autre, et non de transformation de l’autre en soi-même » (p. 280). Il ne saurait par conséquent plus être question d’assimilation, mais au contraire d’un devenir autre permanent, qui s’accompagne du fait que « l’autre n’en demeure pas moins étranger une fois qu’il est passé en nous » (p. 281).
C’est ainsi bien la notion d’identité qui constitue la problématique fondamentale de l’ouvrage, et on le comprend dès que Viveiros de Castro se positionne vis-à-vis de sa propre appartenance nationale, en déclarant qu’il était parti étudier les Indiens parce que « les Indiens n’étaient justement pas des Brésiliens » (p. 270), mais bien plutôt, on comprend la valorisation du vocable en ayant lu le paragraphe précédent, des étrangers. Dans l’axiologie ontologique de l’auteur – en phase avec la tonalité philosophique depuis au moins un siècle et demi –, celle pourfendant toute forme de substantialisation, l’assignation identitaire indissociable du projet étatique d’assimilation va ainsi incarner la violence caractérisée contre laquelle l’agon évoqué ci-dessus va représenter une saine réaction. Mais exigeant, du point de vue anthropologique, être accompagnée d’un antidote théorique. Là où l’État va être présenté comme « l’incarnation de l’absolu » (p. 175), et partant, de l’Un et de son corrélat, l’Universel entendu comme hégémonie, l’indianité, va être le fruit d’une forme particulièrement subtile du devenir : « un mouvement infinitésimal incessant de différenciation, et non pas un état massif de "différence" antériorisée et stabilisée, à savoir une identité » (p. 87). Le concept de relation, absolument central pour l’auteur est ainsi réorienté, en-deçà (sans aucune péjoration) de la dimension contrastive avec l’altérité culturelle – les non-indigènes – qui serait du côté substantialiste de la différence entendue comme ciment (avec péjoration cette fois) identitaire, vers la dynamique constituante ou le processus continu de l’interrelation intracommunautaire : « Il y a des individus indigènes parce qu’ils sont membres de communautés indigènes, et non l’inverse » (p. 90). Cette dimension interne au sujet et à la communauté est la pierre angulaire de l’approche perspectiviste entendue comme antithèse de l’approche étatique. Cette dernière, et Viveiros de Castro reprend explicitement ici le concept althussérien d’interpellation, tend, on l’aura compris, à l’assignation identitaire. C’est-à-dire à assigner à celles et ceux qu’elle décidera ou non d’instituer en sujets administratifs ou juridiques une identité depuis l’extérieur, ou une position de surplomb. Ainsi « être identifié » (par l’appareil étatique, selon ses critères), voire « s’identifier » (« interpelé » par les dispositifs de sujétion étatique, pour lesquels, selon Althusser, accepter de répondre, voire simplement entendre l’interpellation, c’est déjà occuper la place qui nous a été assignée) sont des processus préemptés. Préemptés par l’État : pour les Indiens, « le tiers par excellence » (p. 103), même si pour faire bonne mesure, l’auteur souligne que dans le Brésil au moment où il parle (souvent, au cours de ces entretiens, sous l’ère Lula) l’État peut être, ce qui en dit long sur la dégénérescence de la situation, la dernière garantie du respect des droits indigènes. Mais pour ce qui est de l’assignation identitaire ex catedra, on mesure les enjeux politiques de l’anthropologie perspectiviste dont l’objet et l’objectif sont, à ce compte, exclusivement (et la supplantation terminologique dans la citation à suivre est bien entendu fondamentale) « l’élucidation des conditions d’autodétermination ontologique de l’autre. Point » (p. 105).
Nous pouvons à présent lier deux dimensions sur lesquelles insiste séparément l’ouvrage, mais dont il instruit bien entendu implicitement la corrélation. Il s’agit d’une part du rapport au don des Indiens, et d’autre part du droit à la propriété, notamment intellectuelle. En mettant l’accent sur la centralité dans l’imaginaire des Indiens de la question de l’avarice, Viveiros de Castro entend communiquer que pour ces derniers « les Blancs sont constitutivement les êtres qui ne donnent pas » (p. 131). Et au premier rang de ce don il y aurait le soin ou la préoccupation d’entretenir des relations sociales, qui constitue aux yeux des Indiens notre déficience la plus fondamentale. Là où nous lui antéposons incommensurablement notre aptitude technologique et son corolaire quantitatif définis par Nietzsche et dramatisés par Heidegger. Cette logique de l’accumulation, traduction de l’efficience (et de la définalisation, là est bien le sens de la « Volonté de puissance » : une volonté qui se veut elle-même) rationnelle, que la rationalité soit entendue comme strictement technologique ou qu’elle soit étendue à la sphère économique, s’est souvent accompagnée d’une symbolisation effectivement en affinité totale avec l’idée, sinon directement d’avarice, mais en tout cas assurément de rapacité. Viveiros de Castro est certainement un lecteur de Stanley Cavell, dont le jeu de mot (à partir du fameux doublet heideggérien « vorhanden »/« zuhanden ») sur notre condition unhandsome entend stigmatiser notre rapacité cognitive. On pourrait ainsi le prolonger par une métaphore de la main ouverte des Indigènes : tendue entre eux, mais aussi « lâchant » ce que la main fermée ou qui agrippe, occidentale, donc, ne veut pas dépenser ou renoncer à posséder. Le lien induit avec la notion de propriété intellectuelle est à partir de là relativement évident, et il nous renvoie d’ailleurs à la logique destitutive culminant chez Derrida, mais déjà présente dans la poétique du voisin argentin Borges, et bien entendu d’inspiration initiale, elle aussi, nietzschéenne : celle de la destitution de l’origine entendue comme préséance, aune, etc. C’est-à-dire une fois encore comme substantialité. C’est ce qu’on a pu appeler une « poétique de la secondarité », et cela rejoint d’ailleurs la présentation que Viveiros de Castro fait du fameux « bricolage » lévi-straussien : « l’idée que la création a besoin de la copie […], que toute création naît d’une espèce de permutation réalisée à partir d’un répertoire déjà existant » (p. 136). Le fait qu’il n’y ait rien d'absolument nouveau, ajoute l’auteur, ne rend d’ailleurs pas le nouveau moins nouveau pour autant. C’est ce qu’on retiendra en dernière instance de ces considérations, énoncées dans un cadre fatalement moins pérenne, puisque les deux textes concernés, le témoignage « A propos du projet AmaZone » et l’entretien « Ce que nous cherchons à faire, c’est développer des connexions transversales » (avec Marcio Goldman) correspondent aux années 2005 et 2006, ce qui en temps numérique (informatique et Internet) est antédiluvien. Même si encore une fois, théoriquement, l’idée que « [l]a notion de réseau est, par définition, tout à fait réfractaire à toute différence entre le centre et le périphérique » (p. 153) conserve toute sa pertinence politique.
Nous serons beaucoup plus bref sur nos deux derniers paragraphes, les années de formation et les dettes intellectuelles de l’auteur. Pour les premières, ce sera l’occasion de préciser que l’environnement culturel ayant accompagné la jeunesse de Viveiros de Castro, marqué par une effervescence certaine, celle du tropicalisme adossé à la pop culture naissante des années 60-70 (et à la consommation des drogues d’ailleurs déclarées épistémologiquement et politiquement structurantes par l’auteur), des années indéniablement, d’activisme, est également celui de la résurgence du modernisme incarné par Oswald de Andrade. Comme pour de nombreux penseurs de sa génération, ces années sont aussi le moment de la dissidence interne : la découverte d’une « gauche existentielle » (p. 264) qui dépasse la binarité – dont on se doute qu’elle n’échappera pas au stigmate de la substantialité – de la lutte des classes et de la théorie révolutionnaire. Le lien avec ce que nous avons rapporté précédemment est là encore très clair. Cette gauche binaire est manifestement aux yeux de l’auteur une « gauche qui veut l’État » (p. 273), et de ce fait incapable d’instruire véritablement la différence. D’où la démarcation de Viveiros de Castro vis-à-vis des pratiques de ses premiers homologues, pourtant revendiqués à gauche, qui dévoyaient à son sens la démarche anthropologique en une sociologie caractérisée, simple « branche de l’administration étatique des peuples indigènes » (p. 269). Où cette administration, on le comprend consistait à les accompagner vers une assimilation sans reste, par l’intériorisation d’une téléologie du progrès, indissociable d’une transformation en classe sociale, puis en paysans, puis en ouvriers, etc.
Nous terminerons, comme annoncé, par l’évocation des influences intellectuelles et théoriques ayant déterminé l’itinéraire de l’auteur. Et si du point de vue conceptuel, c’est incontestablement de la philosophie de Gilles Deleuze dont Viveiros de Castro se sent le plus proche, son obédience disciplinaire le conduit bien entendu à faire la part belle à sa découverte fondatrice de l’œuvre et de la pensée de Lévi-Strauss. Ne serait-ce que pour boucler la boucle avec le « regard du jaguar » puisque que selon l’anthropologue français, le mythe, pour les Amérindiens, est « une histoire du temps où les hommes et les animaux n’étaient pas encore distincts » (p. 228). Viveiros de Castro attribue également à Lévi-Strauss l’acuité de son regard décentré : tout ethnographe connaisseur des Mythologiques ayant, si l’on en croit l’auteur, en arrivant sur le terrain, « immédiatement reconnu des thèmes sur lesquels Lévi-Strauss a été le premier à attirer l’attention, et auxquels il n’aurait prêté aucune attention s’il ne l’avait pas lu » (p. 231). En l’espèce, bien entendu, l’importance fondamentale de la cuisine, sans solution de continuité avec la dimension métaphysique au moment d’instruire la fameuse relation du « cru et du cuit » dans la pensée indigène, et plus généralement l’imbrication entre cette dimension métaphysique et « la matérialité sensible des processus et des phénomènes quotidiens » (Ibid.). D’autres dettes ou dialogues sont bien entendu mentionnés : celle à l’égard de Roy Wagner et son idée de la culture comme opération d’invention, ou encore celui avec Marilyn Strathern, créditée d’avoir introduit en anthropologie une théorie non plus substantialiste mais bien relationnelle du genre. Bruno Latour, autre contemporain avec lequel Viveiros de Castro échange fréquemment, est bien entendu lui aussi évoqué, notamment au travers de son concept d’anthropologie symétrique. Mais c’est pour conclure à Whitehead que nous reviendrons. Non pas qu’il occupe une place aussi prépondérante que ceux que nous venons de mentionner dans la cosmogonie de Vivieiros de Castro ; mais bien plutôt parce qu’il lui a permis de formaliser le plus clairement un des traits définitoires du perspectivisme, dont on l’aura compris, la présentation était l’enjeu principal de ce compte rendu. Un trait définitoire par contraste. Et qui passe par la prise en compte d’une dimension que ni Whitehead ni Viveiros de Castro ne nomment en tant que telle, mais qu’ils identifient néanmoins clairement : la deixis. Employer des mots comme « hier » ou « demain » ne relève ainsi aucunement d’une pure subjectivation : dès qu’ils sont contextualisés, ils sont parfaitement datables (pour, nous, « aujourd’hui » est le 27 décembre 2021). La référence déictique varie en fonction du contexte de profération, mais elle est donc relative à quelque chose qui ne relève pas de notre subjectivité. De la sorte, explique Viveiros de Castro, Whitehead « n’est pas en train de dire que c’est subjectif, que ça dépend de l’opinion de chacun, mais ça dépend de la position de chacun » (p. 82).
Pour citer cet article
Référence électronique
Raphaël Estève, « Eduardo Viveiros de Castro, Le regard du jaguar », Conceφtos [En ligne], 4 | 2021, mis en ligne le 30 décembre 2021. URL : https://ameriber.u-bordeaux-montaigne.fr/fr/revue-conceptos/numeros-en-ligne/activismos-culturales-en-las-americas-latinas-del-siglo-xxi-practicas-actores-legados/eduardo-viveiros-de-castro-le-regard-du-jaguar.html